CARCAJOU

GENRE: BD // EDITION: Sarbacane// AUTEURS: Eldiablo (scénariste) Djilian Deroche (dessinateur) // SORTIE: mars 2024

Voici une BD qui nous plonge dans le Grand Nord canadien à la fin du 19ème siècle sur les traces de Gus Carcajou, chercheur d’or et trappeur et Jay Foxton, prospecteur de pétrole sans foi ni loi. En 224 pages palpitantes, les auteurs retracent le duel à mort qui va voir s’affronter deux hommes que (presque) tout, de leurs modes de vie à leurs rapports à la nature, oppose.

L’histoire commence par l’arrivée de Gus Carcajou, mi-indien, mi-français, sur la terre de ses ancêtres. Ce dernier vient prendre possession d’un lopin de terre acquise à l’époque par son père. Son guide, indien également, lui rappelle une maxime qui sonne comme un avertissement: la Terre n’appartient pas aux hommes, ce sont eux qui lui appartiennent. Carcajou se construit une cabane en rondins et n’a d’autres ambitions que de collecter juste assez de pépites pour s’acheter une caisse de tord-boyau de temps en temps…  

Quant à Jay Foxton, le notable de la petite ville de Sinnergulch, il s’est élevé socialement grâce à son sens des affaires et son flair pour l’or noir. Propriétaire de nombreux puits, acquis toujours à la limite de la légalité, il espère devenir le nouveau mogul du pétrole. Entre les deux hommes, objet de convoitise et de discorde, se trouvent le terrain de Carcajou et ses sous-sols gorgés d’hydrocarbures.

La trame de l’histoire est simple mais le scénario réussit à rendre les principaux personnages plus complexes qu’à première vue. On découvre que Carcajou et Foxton ont eu un passé familial plutôt compliqué, ce qui rend difficile de les réduire à des rôles de “gentils” et de “méchants”. Le scénario gagne également en profondeur grâce à une brochette de personnages secondaires croustillants: un charlatan et sa machine à piéger les fantômes, la belle tenancière de saloon qui est la seule à oser se moquer de Foxton, le shérif qui sombre dans un alcoolisme aussi soudain qu’extrême. Mais c’est surtout le final qui scotche, avec des scènes qui glissent vers le fantastique et atteignent un climax digne d’Apocalypse Now…

Le dessin est magnifique avec un trait précis, proche de la ligne claire, qui permet des vues d’ensemble et des gros plans détaillés. Le choix d’étaler certaines cases sur une ou deux pleines pages, dans des couleurs vives, donne une grande expressivité aux paysages et aux personnages (une scène d’orgie collective prend par exemple des allures de peinture de Jérôme Bosch).

Au final, un ouvrage généreux et passionnant dont le scénario n’a rien à envier aux meilleurs films du genre et qu’on prendra un grand plaisir à lire et relire.

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